Des gestes professionnels et des pratiques partagés par les équipes
1. L’approche actionnelle et l’appropriation du CECRL
L’adossement des programmes au Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues a induit des changements profonds dans les pratiques. Les situations de communication mises en place tendent à être plus diversifiées et mieux identifiables par les élèves, qui s’approprient également mieux les objectifs et étapes de la séance ou de la séquence. Les pratiques pédagogiques évoluent pour proposer davantage de contextualisation (qui parle, à qui, pour quoi faire ?) et donner du sens aux yeux des élèves.
2. L’ancrage culturel
Les programmes sont considérés avec attention et la dimension culturelle est prise en compte et reconnue comme étant l’entrée privilégiée dans les apprentissages. Comme les nouveaux programmes les y invitent, certaines équipes élaborent déjà des progressions harmonisées afin d’éviter le sentiment de redite et donc d’ennui et couvrir de manière effective la diversité de l’aire culturelle anglophone.
3. Une pratique plus intensive de la langue
Un nombre croissant de professeurs prend conscience de la nécessité d’accroître considérablement l’exposition à la langue car celle-ci est la condition sine qua non de la construction des compétences langagières, comme en langue maternelle. L’utilisation de la langue étrangère pour communiquer, c’est à dire pour agir et interagir, au service de la réalisation de projets signifiants est en augmentation sensible.
4. Une organisation de l’espace classe adaptée aux activités
L’espace classe fait souvent l’objet d’une réflexion afin de créer un environnement propice à la pratique de la langue. De manière générale, de plus en plus de collègues privilégient des configurations de travail à géométrie variable, soit au service de la situation de communication envisagée, en permettant aux élèves de se parler sans la médiation systématique du professeur, soit pour mieux répondre aux intentions pédagogiques des activités proposées. Dans cet esprit, on constate l’émergence de classes flexibles, qui influent positivement sur le bien-être des élèves, et dont des enseignants exploitent les potentialités pour favoriser la différenciation et la communication.
5. Une meilleure prise en compte des phases d’entraînement (« Practise makes perfect »)
Il est de mieux en mieux acquis qu’une démarche d’entraînement laisse l’initiative à l’élève alors qu’une démarche d’évaluation laisse l’initiative au professeur.
En matière de compréhension, par exemple, laisser l’initiative à l’élève signifie lui donner l’opportunité de dire ce qu’il a compris et de demander à ses pairs, ou à son professeur, l’aide nécessaire pour combler ce qu’il n’a pas compris. Dans une classe typiquement hétérogène, cette négociation collective du sens augmente l’exposition à la langue et favorise donc les progrès individuels. Dans le même ordre d’idée, la prise en compte de l’erreur est de mieux en mieux appréhendée comme étant un levier pour mettre à jour le cheminement de la réflexion de l’élève. Plus les élèves prennent conscience des progrès réalisés, plus ils développent leur autonomie et leur confiance en leurs capacités.
Une meilleure prise en compte de la phase d’entraînement se traduit aussi par la mise en place d’une variété d’approches : travaux individuels, en groupe ou collectifs, permettant de réfléchir, partager et construire du sens ensemble. Ce temps d’entraînement constitue une étape essentielle dans l’apprentissage. On constate que les pratiques contribuent de plus en plus à l’acquisition de stratégies transférables telles que la mémorisation, l’inférence, l’auto-correction et l’inter-correction.
6. Gestion de la diversité
Dans l’esprit du principe d’inclusion, on voit beaucoup de professeurs tenter des réponses pragmatiques dans ce domaine crucial pour l’accompagnement de chacun des élèves vers sa réussite : nature et volume de l’aide adaptée aux capacités des élèves ; tâches conçues pour permettre des réalisations relevant de niveaux de performance gradués. Les modalités pédagogiques de gestion de ces différences sont nombreuses (temps de préparation des tâches, aides différenciées, supports différents, etc.). Celles-ci permettent d’adapter les cheminements ou organisations en fonction des difficultés rencontrées par chaque élève, tout en gardant les mêmes ambitions et exigences pour ne pas creuser les écarts. Pour rappel, la prise en compte de l’hétérogénéité ne concerne pas que les élèves à besoins particuliers. Elle a pour objectif de permettre à tous de progresser.
7. Approches pluridisciplinaires
Le croisement des disciplines chaque fois que cela est possible peut nourrir et étayer l’apprentissage de la langue anglaise. Les projets interdisciplinaires avec la langue étrangère comme outil de communication de contenus en prise avec les programmes des deux disciplines concernées ont pris leur place dans l’éventail de l’offre de formation : par exemple, l’ETLV (enseignement de la technologie en langue étrangère - des expériences réussies en matière de décloisonnement sont consultables dans l’espace de mutualisation académique en ETLV) ou les dispositifs EMILE (Enseignement d’une Matière par l’Intégration d’une Langue Etrangère). Les disciplines non-linguistiques se multiplient en lycée et en collège, à la suite de ce qui se fait à l’école, conformément aux axes du plan langues, de même que les options Langues et Cultures Européennes en collège.
Autre exemple, les débats en langues, souvent axés sur des thématiques citoyennes ont aussi cours en collège dans le cadre des rencontres académiques.
8. Utilisation du numérique pour apprendre
Le recours à des outils numériques a permis une exposition accrue à une langue authentique en élargissant le spectre des supports ou des situations de communication pour pratiquer la langue. L’utilisation optimale de ces outils permet de repenser la nature des activités dans la classe et hors de celle-ci. La restitution de tâches de lecture, de visionnement, d’écoute ainsi que l’échange sur les tâches de production permettent de créer le lien entre l’extérieur de la classe et l’intérieur de celle-ci.
Par ailleurs, bien utilisés, les outils numériques accessibles par internet (débats, storyboard, rédaction des sous-titres ou doublage, réalisations de brochures, ajout de bulles sur images de bande dessinée, réalisation de capsules vidéo etc.) favorisent la prise en compte de niveaux de compétence différents.
L’émergence de l’intelligence artificielle pose un défi en matière d’enseignement. Son impact sur l’apprentissage des élèves et son intérêt interrogent nombre d’enseignants de langue. Certains enseignants de l’académie ont engagé une réflexion autour du potentiel de l’intelligence artificielle comme outil au service de l’apprentissage d’une LVE. Le bilan de leurs expérimentations et des ressources sont actuellement disponibles sur le site académique.
Pistes de réflexion
1. Poursuivre l’approfondissement des compétences des élèves
En matière de compréhension, les élèves sont exposés à des supports authentiques variés ancrés dans l’aire anglophone ; de plus en plus d’enseignants les entraînent à la lecture suivie, et ce dès le collège. Les entraînements peuvent ensuite se concentrer sur des stratégies transférables permettant aux élèves de gagner progressivement en autonomie.
A l’oral, il convient de s’appuyer sur les régularités intonatives et accentuelles de la langue pour mettre ces formes sonores en relation et construire du sens. La compréhension auditive est une activité difficile pour les élèves, ce qui implique de tolérer un degré de compréhension partielle. Elle requiert une concentration très élevée, peu compatible avec la lecture simultanée d’autres supports (scripts ou grilles de compréhension, par exemple).
L’utilisation de l’anglais en classe comme langue de communication contribue également à cet objectif et permet d’articuler compréhension et expression. L’acquisition de réflexes ainsi que d’outils linguistiques et langagiers par les élèves leur permettent, sous le contrôle du professeur, non seulement la négociation constante du sens d’un support qu’ils viennent d’écouter ou de lire (et de leur laisser l’initiative de cette construction) mais aussi de travailler l’expression en favorisant l’inter-correction et les échanges. C’est ainsi qu’il est indispensable de mettre en place dès le début de l’apprentissage, sous forme de blocs lexicalisés, les moyens qui permettent aux élèves d’intervenir sur le fond et sur la forme des échanges. Des modalités variées d’interaction garantissent, en effet, l’entraînement à toute la palette des formes d’interaction, qui sont également des formes de coopération et contribuent au développement de la compétence de médiation : questionnement élève-élève, reformulation, suggestion d’une interprétation alternative, synthèse par un élève de la contribution d’un groupe, etc.
En matière de production, à l’écrit, une attention particulière sera portée à la rigueur grammaticale. On privilégiera ainsi la production de phrases complètes aux documents lacunaires.
A l’oral, le message est, dans la plupart des cas, nécessairement moins préparé qu’à l’écrit. Sa transmission comporte inévitablement pauses, hésitations et redondances ; sa structuration est généralement moins élaborée, et les segments qui le composent sont plus courts. Les entraînements doivent tenir compte de ces caractéristiques pour éviter de dénaturer l’activité langagière en la faisant dériver vers une oralisation de l’écrit. Au plan phonologique, c’est le domaine segmental qui sera privilégié pour permettre aux élèves de mettre en forme le sens qu’ils veulent transmettre.
2. Aider les élèves à utiliser une langue de plus en plus précise
Permettre aux élèves d’exprimer avec une précision croissante leurs idées et leurs émotions passe par la complexification progressive des situations de communication définies dans les scénarios pédagogiques. Ces derniers doivent être pensés en adéquation avec le niveau que l’on vise : de la complexité du discours attendu dépend pour les élèves la possibilité et la nécessité de s’exprimer avec plus ou moins de précision linguistique. Pour rappel, si des scénarios qui visent le niveau B1 peuvent par exemple mettre les élèves en situation de rendre compte/faire un compte-rendu, ceux destinés à entrainer les élèves pour qu’ils progressent vers le niveau B2 mettront l’accent sur l’argumentation, l’explication, la justification.
Un des enjeux est ainsi d’amener les élèves à mobiliser un lexique et une syntaxe de plus en précis pour faire comprendre les nuances de sa pensée. Cela implique évidemment qu’ils fassent l’objet d’un apprentissage spécifique, aussi souvent que possible lors d’activités communicatives contextualisées.
Le travail sur l’apprentissage du lexique et sa mémorisation gagnerait à être poursuivi et partagé au sein des équipes afin d’envisager une progression structurée, cohérente et ambitieuse. Les enseignements qui peuvent être tirés du test standardisé Ev@lang sont riches et invitent à faire du lexique un axe prioritaire pour que les élèves puissent avoir les mots pour « se dire » et « dire le monde ».
3. Élargir la palette des thèmes et questions culturelles abordés.
La taille de l’aire anglophone et la diversité des cultures qui trouvent une expression en langue anglaise permettent aux professeurs de faire preuve de créativité et d’originalité lors de la conception des projets d’apprentissage. Les nouveaux programmes et les documents qui les accompagnent doivent pouvoir contribuer à cet objectif de renouvellement des thématiques et assurer la progressivité des apprentissages culturels. C’est par l’adoption des chemins originaux dans l’étude de questions relevant d’aires souvent abordées (Cf. Axe 6 des nouveaux programmes) que les élèves se construiront des réseaux de connaissances culturelles plus larges et plus riches. C’est là évidemment un moyen d’accroître leur motivation, à condition de veiller à éviter les redites. Beaucoup d’élèves rencontrent déjà en collège Rosa Parks et Martin Luther King dans le cadre de projets centrés sur la lutte pour les droits civiques, et c’est une bonne chose que de procéder ainsi à la construction de repères incontournables, à condition qu’ils ne les retrouvent pas ensuite tous les ans dans le cours de leur scolarité. Pour ce faire, on pourra penser par exemple à aborder les mêmes thèmes, mais sous l’angle du rôle de la musique dans ces mouvements de libération, de leur interaction avec d’autres luttes, de leur héritage moderne, y compris de leur récupération. Dans l’exploration des thématiques retenues, on s’attachera à proposer, sans angélisme, et aussi souvent que possible des perspectives positives. C’est en multipliant les entrées, tout en veillant à éviter les stéréotypes, et en variant les supports que l’on parviendra à surprendre les élèves et à les conduire plus loin dans l’apprentissage. Il ne faut donc craindre ni l’ambition, ni la complexité, ni la difficulté. Faire confiance à la capacité d’étonnement des élèves, les encourager à questionner le monde, les y former sont autant de conditions nécessaires au développement de leur esprit critique.
4. Évaluer finement une compétence
Il s’agit de mesurer le degré de maîtrise d’une compétence, c’est-à-dire la mobilisation de savoirs, de savoir-faire et d’attitudes dans un acte de langage ancré dans une situation particulière et répondant à un projet bien défini.
Pour aider les élèves à mesurer plus finement le chemin parcouru et à parcourir, dans l’apprentissage d’une langue de communication, c’est-à-dire leur niveau de performance réalisé ou attendu, il est primordial de les positionner avec précision sur l’échelle de compétence. Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues fournit aux professeurs des indicateurs très détaillés, qui sont un apport considérable. Pour acquérir l’expertise nécessaire dans l’utilisation de ces indicateurs, un entraînement doit être mené à partir d’un corpus conséquent de réalisations langagières concrètes (enregistrements de productions orales en continu et en interaction, productions écrites de toute sorte). Cet entraînement permettra aux professeurs de s’approprier les différents critères propres à chacune des composantes des activités langagières de façon à déterminer si telle production est de niveau A2 ou B1, par exemple.
En collège, les repères annuels de progression et les attendus de fin d’année constituent des outils très utiles pour identifier précisément ce qui relève du niveau A2 ou du niveau B1 dans les différentes activités langagières et ainsi envisager les compétences et stratégies à développer chez les élèves pour les aider à atteindre progressivement le niveau supérieur.
Pour rappel, toutes les activités langagières doivent faire l’objet d’un véritable entraînement permettant de développer des stratégies propres, ultérieurement transférables dans les situations d’évaluation.
Le contexte institutionnel (contrôle continu en collège en troisième et en lycée ainsi que l’attestation au baccalauréat) renforce la nécessité d’une réflexion sur l’évaluation au sein des équipes afin de croiser et d’harmoniser les attendus en termes de critères d’évaluation mais aussi sur la distinction entre les notes pour former et les notes pour certifier. Dans cette perspective, on pourra lire avec profit le guide de l’évaluation de 2023 .
On ne peut qu’encourager les professeurs de l’académie à utiliser leur expérience acquise en la matière pour continuer à donner à l’évaluation un sens tant pour l’élève que pour l’enseignant, notamment en lui indiquant ses réussites tout comme les points à consolider. Ce contexte doit aussi les inciter à rechercher des réponses pertinentes à la difficile question de l’équilibre entre respect de l’équité et pédagogie de l’encouragement ainsi qu’entre validation de niveau de compétence et notation chiffrée. La distinction entre attestation et certification constituera une piste de réflexion supplémentaire en lycée.
5. Gérer les hétérogénéités
La réussite de tous les élèves passe par la prise en compte des hétérogénéités. L’enjeu est d’accompagner chaque élève dans son parcours vers la réussite.
L’essentiel pour le professeur de langue est de tirer parti de la multiplicité des rôles dans toute situation de communication afin de distribuer ceux-ci en fonction des capacités des élèves. Cette gestion doit s’opérer à différentes échelles : au sein d’un groupe chargé d’une tâche donnée, par exemple, les différentes contributions ont toutes leur valeur et sont une forme de réussite qui doit être prise en compte. Ces formes de coopération montrent leur efficacité pour l’apprentissage et doivent être intensivement développées. Les élèves doivent y être explicitement formés pour qu’elles donnent leur pleine mesure.
Les fonctionnements en îlots sont également propices à la gestion des hétérogénéités quand le professeur veille à une répartition judicieuse des élèves, optimisée par un contrat de fonctionnement qui permette l’oscillation entre l’individuel et le collectif. Lorsque l’objectif d’une activité de compte rendu est la connaissance du point de vue personnel d’un élève particulier, on comprend très bien que celui-ci lève le doigt pour le donner. Quand l’objectif est de faire travailler les élèves ensemble, il est souhaitable d’habituer les groupes/îlots à conférer avant de donner une réponse collective. On voit de plus en plus d’enseignants proposer avec profit à leurs élèves de décider eux-mêmes du recours à des aides supplémentaires (document support additionnel, par exemple).
6. Contribuer à la maîtrise des savoirs fondamentaux
Dans le cadre du travail mené dans les domaines linguistique, civilisationnel et littéraire, les langues peuvent contribuer à une meilleure maîtrise du lire, écrire et compter. Pour ce qui est du champ du « savoir compter », les élèves sont notamment placés en situation de manipuler des données quantitatives au travers d’opérations mathématiques simples. Tout au long de leur parcours, ils sont amenés à exploiter et produire sur la base de données chiffrées (par exemple, les résultats d’enquêtes ou de sondages au sein de documents). Cette exposition aux chiffres et aux nombres s’observe tant dans le cadre de projets interdisciplinaires ou de projets menés en langue que dans certaines routines ou rituels de classe (par exemple liés à l’appel, la date, les heures…). Ces situations sont l’occasion de travailler plus avant sur le sens que l’on peut donner aux chiffres et aux nombres.
7. Valoriser les nombreuses expérimentations tentées sur le territoire de l’académie
De très nombreux collègues mettent en œuvre des dispositifs pédagogiques innovants touchant les missions pédagogiques et éducatives de l’École. Ces initiatives d’une grande richesse mériteraient de gagner en formalisation et donc en lisibilité. Plusieurs outils ont été renforcés. En particulier, le site académique permet de valoriser des initiatives locales et de les partager avec le plus grand nombre comme autant de pistes pédagogiques à s’approprier en les adaptant à son propre contexte. L’effort sera poursuivi et élargi notamment par la publication de comptes-rendus ou de présentations de stages (comme pour les parcours Appréhender la diversité des élèves au cycle 4 ou Accompagner la difficulté persistante) sur le site pour accompagner le développement professionnel de tous les enseignants.
Conclusion
Chaque professeur de l’académie peut se saisir de ces pistes de travail, ou les approfondir, dans le contexte particulier de sa classe et dans le respect de son autonomie pédagogique. Nous sommes convaincus que, poursuivi et enrichi au sein des équipes pédagogiques, ce travail permettra d’améliorer sensiblement les compétences langagières de nos élèves. Il est indispensable de continuer à augmenter le volume d’anglais pratiqué dans tous les cours par les élèves, qui nous montrent qu’ils ont de grandes capacités d’initiative quand le « laisser dire » prend le pas sur le « faire dire ». Il est également indispensable de mettre tout en œuvre pour les aider à améliorer nettement la qualité de la langue qu’ils emploient. C’est là un double objectif ambitieux pour les années à venir.
Bucquet Estelle
Chatonnet-Newton Emma
Havet Frédéric
Lacoste Laurent
Picot Jean-Louis
Rouquier Philippe
Septembre 2025