Pouvez-vous présenter votre expérimentation ?
Cette étude de cas présente une expérimentation pédagogique menée dans deux classes — une de 4ᵉ et une de 3ᵉ — autour du projet intitulé « Improving Writing Skills ». Inscrite dans le cadre du programme de langues vivantes étrangères du cycle 4, cette expérimentation visait à renforcer les compétences en expression écrite des élèves grâce à l’utilisation d’un outil intégrant l’Intelligence Artificielle « Write and Improve », en alternative à une méthodologie traditionnelle. Cet outil d’analyse et d’amélioration de texte permet aux élèves de recevoir un feedback immédiat et personnalisé sur leurs productions écrites. Il est accessible via une boîte mail anonyme, garantissant ainsi la confidentialité des données des élèves.
L’objectif principal était d’observer le développement de l’autonomie des élèves et de leur capacité à adopter une posture réflexive vis-à-vis de leur production écrite. L’accent a été mis à la fois sur la communication langagière des apprenants et sur l’évaluation, par l’enseignant et les élèves, de l’impact de l’outil numérique sur leur progression. Le but était aussi de renforcer la confiance en soi et l’estime de soi à travers l’autoévaluation et l’amélioration continue.
Les compétences visées incluaient la maîtrise de l’expression écrite, ainsi que l’usage réfléchi d’outils numériques en tant que leviers d’apprentissage, d’auto-correction et d’amélioration de la qualité de l’écrit.

Quelle a été votre démarche ?
Les élèves ont été invités à participer à une activité d’écriture différenciée, leur permettant de choisir parmi trois sujets proposés. Voici les étapes clés des activités :

1. Choix du sujet  : les élèves sélectionnent un sujet d’écriture parmi trois activités différenciées, favorisant ainsi leur engagement, leur motivation et en respectant leur degré de maîtrise dans une séquence intitulée What’s your alibi ? en classe de 4ème et Shadows and Secrets : Espionage Throughout History en classe de 3ème.
2. Choix de travail : en classe de 3ème les élèves ont la possibilité de travailler seul ou travailler en binôme.
3. Saisie du texte : les élèves rédigent leur texte et saisissent ce dernier dans l’outil "Write and Improve" de Cambridge, accessible via une boîte mail anonyme.
4. Analyse automatique : l’outil analyse automatiquement le texte et souligne les erreurs, détermine un niveau de compétence linguistique défini par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) afin d’encourager l’élève à réfléchir à des possibilités d’amélioration, en se basant sur des critères linguistiques précis.
5. Réflexion et correction : les élèves corrigent leur texte de manière autonome, en tenant compte des suggestions de l’outil et en réfléchissant (en binôme en classe de 3ème) à leurs erreurs afin de développer une approche réflexive de leur écriture.
6. Itérations : plusieurs itérations de vérification sont possibles, permettant aux élèves d’améliorer progressivement leur texte et leur degré de maitrise.
7. Travail méthodologique : à la fin de l’activité d’écriture, les élèves remplissent la feuille MY MISTAKES qui leur sera utile pour tous travaux d’écriture ou évaluations ultérieurs.
8. Retour critique : à la fin de l’activité, les élèves partagent leur expérience et donnent leur avis sur l’outil et le processus d’apprentissage, favorisant ainsi une réflexion collective sur les pratiques pédagogiques.

Quel est votre bilan ?
L’utilisation de l’IA via cet outil, dans cette activité a apporté plusieurs bénéfices, en lien avec les compétences attendues :

• Activité ludique et engageante : Les élèves ont trouvé l’activité amusante et motivante, favorisant ainsi leur engagement dans l’apprentissage de l’expression écrite.
• Gain en autonomie : Certains élèves ont montré une amélioration de leur autonomie, développant leur capacité à travailler de manière autonome et à prendre des initiatives dans leur apprentissage.
• Développement de l’estime de soi : En voyant leurs progrès et en recevant un feedback immédiat, les élèves ont gagné en confiance en soi et en estime de soi, renforçant ainsi leur motivation à apprendre.
• Développement des compétences linguistiques : Le travail en binôme, pour ceux ayant fait ce choix, a favorisé des échanges riches au cours desquels ils ont pu discuter, argumenter et négocier leurs choix linguistiques. Cette interaction collaborative a renforcé leur maîtrise de la langue dans un cadre propice à l’apprentissage.
• Autoévaluation et réflexion critique : L’outil a permis aux élèves de s’autoévaluer et de réfléchir de manière critique à leurs erreurs, développant ainsi leurs capacités à identifier leurs forces et leurs faiblesses et ceci de manière continue.
• Simplification d’une compétence complexe : L’écriture en langue étrangère, souvent perçue comme fastidieuse et complexe, est devenue plus accessible et plus facile à appréhender pour certains élèves.
• L’outil actuellement utilisé ne propose que deux types de retour : soit une correction directe est fournie, soit les erreurs sont simplement signalées, sans indices, ni pistes pour guider l’élève dans l’auto-correction. Dans ce second cas, l’élève est informé qu’une erreur existe, mais ne bénéficie d’aucune aide pour la comprendre ou la corriger. Cette limitation de l’outil ne permet pas à l’élève de progresser en pleine autonomie et limite le développement de stratégies de remédiation efficaces.
• Une expérience mitigée au dire des élèves : lors de la phase de réflexion collective menée avec les élèves ayant participé à cette expérimentation, ces derniers ont exprimé un avis nuancé. S’ils ont globalement apprécié l’aspect ludique de l’outil utilisé, leur permettant de gagner en confiance, plusieurs ont regretté un accompagnement moins présent que celui proposé dans la méthode habituellement employée en classe. Cette analyse doit toutefois être relativisée, dans la mesure où l’outil était entièrement nouveau pour eux, ce qui a pu influencer leur ressenti et leur appropriation de celui-ci.

Malgré les aspects positifs relevés par cette expérimentation, plusieurs pistes d’amélioration ont été identifiées pour les futures mises en œuvre :

• Travail collaboratif : Permettre aux élèves de travailler davantage en binôme ou en petits groupes pour favoriser la collaboration et l’entraide en confrontant leurs réflexions avec leurs camarades, tout en développant leurs compétences sociales et émotionnelles.
• Différenciation des corrections : Il serait pertinent d’explorer d’autres outils permettant une différenciation plus fine des corrections, en tenant compte à la fois des besoins spécifiques, des niveaux de compétence et du degré d’autonomie de chaque élève.
• Amélioration d’un glossaire ou d’un index : Mettre à disposition un glossaire ou un index pour mieux guider les élèves dans leur réécriture, en leur fournissant des ressources linguistiques et lexicales adaptées à leur niveau.

Quelle serait votre conclusion ?
En préambule de la conclusion, la réflexion sur l’usage de l’IA en éducation ne saurait faire abstraction des mises en garde. La récente étude de l’université américaine du MIT, intitulée "Your Brain on ChatGPT : Accumulation of Cognitive Debt when Using an AI Assistant for Essay Writing Tasks", alerte sur les effets potentiellement négatifs de l’IA sur le développement cognitif, notamment chez les plus jeunes, lorsque ces outils se substituent à la pensée humaine.
L’expérimentation menée visait à évaluer le potentiel de l’outil numérique « Write and Improve » en tant que levier pour favoriser l’autonomie et améliorer les compétences en production écrite chez des élèves en langue vivante étrangère. Il s’agissait de déterminer dans quelle mesure cet outil pouvait compléter les pratiques pédagogiques existantes et répondre aux besoins d’élèves.
Les premiers retours montrent qu’un tel outil peut s’avérer efficace, à condition d’être intégré de manière réfléchie dans une séquence d’apprentissage. En instaurant un environnement de travail stimulant et interactif, et en accompagnant les élèves dans la prise en main de cet outil, il est possible de les amener à développer des stratégies d’auto-correction, à prendre conscience de leurs erreurs récurrentes et à gagner en autonomie. Certains élèves ont ainsi manifesté davantage de réflexivité et de confiance dans leurs productions, ce qui constitue un indicateur positif.
Toutefois, cette démarche requiert un encadrement régulier et un ajustement progressif de ce type d’outil en fonction du profil des élèves et des objectifs visés.