Une piste : prendre en charge la diversité au lycée en développant la motivation et l’engagement des élèves et en améliorant la confiance en soi


Au travers d’un témoignage, d’adaptations pédagogiques qui s’appuient sur le numérique et d’un exemple de démarche, découvrez une réflexion sur la gestion de la diversité au service de la progression de tous les élèves.

Cette contribution est proposée par Elodie Goujon, professeure d’anglais au MicroLycée et au Lycée Rostand à Caen.

Témoignage de l’enseignante

Pourriez-vous vous présenter et présenter votre parcours professionnel ?

Enseignante d’anglais depuis la rentrée 2009, j’ai fait mon année de stage au lycée Dumont d’Urville avant d’être affectée dans l’académie de Versailles au Collège de la Justice à Cergy, où j’avais notamment les classes avec les élèves ULIS en inclusion et les classes de SEGPA. De retour en Normandie, j’ai travaillé deux ans à l’EREA de la Ferté Macé avant d’obtenir un poste fixe au Collège des Douits de Falaise où j’ai pu poursuivre l’enseignement auprès des élèves de SEGPA mais aussi prendre en charge l’enseignement du Français Langue Seconde. J’intervenais en parallèle auprès des élèves de Master 1 du Campus de Caen de l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes et ai alors entrepris de passer l’agrégation. De ces différentes expériences est né le souhait de demander ma mutation pour le lycée mais avec l’envie de pouvoir poursuivre mon travail auprès d’élèves à besoins particuliers, d’où ma candidature auprès du MicroLycée (cliquez ici pour en savoir plus sur le micro-lycée), où j’effectue actuellement ma deuxième année scolaire. J’ai souhaité y enseigner car le travail auprès d’un public de jeunes en démarche de raccrochage scolaire au lycée m’intéressait mais aussi par attrait pour l’importance accordée au sein de la structure au travail en équipe et pour la polyvalence qu’implique ce poste. J’ai également en charge cette année une classe de 1ère générale au sein du lycée Rostand.

De manière générale, quelles sont les adaptations / la différenciation pédagogique (avec le numérique et sans le numérique) que vous mettez en place pour prendre en compte les profils de vos élèves en cours d’anglais ?

Les élèves qui intègrent le MicroLycée présentent une hétérogénéité très forte, certains ayant un niveau A1 et/ou n’ayant pas été exposé à la langue depuis des mois voire des années, d’autres ayant déjà presque atteint le niveau C1 et/ou ayant maintenu une exposition à la langue régulière en dépit de leur rupture scolaire. Qui plus est, leur expérience scolaire est souvent teintée de moments vécus comme traumatisants (harcèlement, difficultés relationnelles et/ou liées aux apprentissages/à l’école, …) et tous ou presque manquent considérablement de confiance en eux, ce qui n’est pas sans présenter quelques difficultés pour les séances de langue vivante. Autre difficulté mais aussi source d’enrichissement : les cours de 1ère tronc commun intègrent les élèves de STMG et de filière générale (dont les élèves suivant l’enseignement de LLCE).

Parmi les outils d’adaptation et de différenciation pédagogique au sein du cours d’anglais, je propose :
 une salle de classe virtuelle créée via Genially au sein de laquelle sont systématiquement intégrés les diaporamas de séquences interactifs (dont les pages sont déverrouillées au fur et à mesure de la séquence hormis la tâche finale qui apparaît dès le début de la séquence)
Un exemple : la salle de classe virtuelle de rentrée
 une utilisation intensive de l’ENT pour le dépôt des supports de cours et des traces écrites réalisées en classe, pour les cartes heuristiques, les questionnaires, les pages d’écriture collaborative via Pad, le Wiki pour les liens internet
 une classe Quizlet pour favoriser un apprentissage différencié des structures lexicales et grammaticales découvertes en classe
 Plickers pour les « recap », la réactivation et/ou l’évaluation des acquis
 des séances de remédiation à partir de bilans et de fiches d’objectifs différenciés
Un exemple : fiche de remédiation utilisée d’une tâche à l’autre
 une ludification régulière des séances pour favoriser l’engagement des élèves (Escape Games, adaptation de jeux télévisés connus, jeux de plateau en version numérique ou classique)
 des modalités de travail inspirées des classes coopératives lorsque les séances s’y prêtent (plans de travail qui visent principalement le développement des compétences de production et de réception en amont des tâches intermédiaires et/ou finales, marchés de connaissances)
 depuis cette année au MicroLycée, des ateliers ritualisés d’ « apprendre à apprendre » visant à travailler mémorisation, compréhension, attention, gestion des émotions et métacognition avec les élèves à partir des apports des Sciences Cognitives

Un exemple de démarche

Au travers d’un exemple de séquence menée avec son groupe LLCE (Cycle terminal – élèves de ML2/1ère), Mme Goujon partage des pistes pour mener tous ses élèves à la production de la tâche finale : écrire puis mettre en voix des incipits d’histoires d’horreur (enregistrement de podcasts). Ce projet s’inscrit dans la thématique culturelle des imaginaires effrayants et permet de travailler les compétences suivantes en plus des cinq activités langagières :
 compétences culturelles : définition de la notion de monstruosité et découverte du traitement de la figure du monstre à travers les âges dans la littérature, la peinture et le cinéma
 compétences méthodologiques : rédiger un texte littéraire (incipit) en respectant les conventions du genre (histoire d’horreur) et le mettre en voix (podcast)
 compétences phonologiques : groupes de souffle / groupes de sens et accents de phrases
 compétences grammaticales : les temps de la narration, discours direct/indirect
 compétences lexicales : la monstruosité, descriptions physique et psychologiques, sensations et perceptions
 compétences de médiation : analyser, critiquer et exprimer une réaction personnelle à l’égard de textes créatifs, coopérer pour construire du sens

Les différentes étapes menant à la tâche finale sont expliquées dans le Genially de la séquence que Mme Goujon met à disposition de ses élèves.
Plusieurs tâches d’entraînement sont proposées au cours des séances :
 en terme d’écriture créative : imaginer un incipit à partir d’un document pictural ou d’une couverture d’œuvre littéraire avant la découverte de l’extrait, lors de la phase d’émission d’hypothèses par exemple, ou imaginer une partie manquante ou une suite aux extraits travaillés. Ces tâches permettent de faire des feedbacks réguliers aux élèves sans qu’elles ne fassent l’objet d’une évaluation formalisée
 en terme de mise en voix : les élèves sont très régulièrement invités à lire à haute voix les extraits des textes abordés depuis le début de l’année de manière à mener un travail de fond sur l’accentuation et l’intonation, travail facilité par le petit effectif de ce groupe. Par ailleurs les élèves sont entraînés à la mise en voix de leur incipit une fois finalisé avant l’enregistrement du Podcast, entraînement réalisé en binômes puis en groupe afin d’avoir le retour de leurs camarades. Outre la maîtrise de l’anglais oral, les compétences de mises en voix sont également travaillées régulièrement au cours des ateliers d’ouverture culturelle du jeudi après-midi au MicroLycée (les élèves de 1ère ont ainsi suivi l’an passé un atelier WebTV et un atelier Podcast puis cette année un atelier WebRadio avant le début de la séquence)

Lors du projet, les élèves sont amenés à utiliser des outils numériques comme le Logiciel Canva ou une tablette graphique pour créer des visuels et la Webradio pour s’enregistrer. Cela leur permet de travailler des compétences du Cadre de Référence des Compétences Numériques (« Création de contenu » : développer des documents visuels et sonores / adapter les documents à leur finalité).

Afin de valoriser le travail de ses élèves, l’enseignante dépose les réalisations des élèves sur le POD et génère des QR codes. Ceux-ci sont affichés en salle d’accueil (salle de pause partagée par les enseignants et les élèves de la structure) pour que chacun (élèves et enseignants) puisse voter pour son podcast préféré via l’application « formulaire » de l’ENT.

L’analyse de l’enseignante

Les difficultés rencontrées lors de cette séquence tiennent principalement à la particularité du public accueilli au sein du MicroLycée : présences irrégulières, états physiques et/ou psychologiques ne permettant pas toujours un engagement important dans les activités proposées, manque de confiance en soi et peur du regard de l’autre. Les adaptations proposées en conséquence résident principalement dans l’accompagnement différencié proposé à chacun (aide/guidage selon besoins, flexibilité temporelle, remédiation après chaque tâche intermédiaire et réécriture, plusieurs entraînements à la mise en voix avec des schémas relationnels variés qui permettent d’améliorer la confiance en soi : seul avec un pair, face à plusieurs pairs, face à l’enseignant, face aux pairs et à l’enseignant, face à soi-même via enregistrement, face au micro).
En ce qui concernent les bénéfices, Mme Goujon met en avant le fait que les élèves ont pu transférer des compétences développées au cours des ateliers d’ouverture culturelle de cette année lors de la création d’émissions de WebRadio et de Podcasts historiques lors de l’année scolaire précédente. Cela a ainsi favorisé leur mise en confiance et valorisé leurs savoir-faire numériques, leur permettant d’axer leurs efforts sur la mise en voix en anglais d’un texte un peu long appartenant à un genre bien spécifique.
Si c’était à refaire, l’enseignante essaierait de dégager plus de temps pour pouvoir obtenir une prise de son et des effets de meilleure qualité. Ce sont des tâches qui intéressent et valorisent les élèves, or, dans ce cas précis, l’arrivée des vacances et le départ imprévu d’un élève les ont contraints à ne pas pouvoir retravailler autant que souhaité la captation. Mme Goujon envisage également de poursuivre les podcasts en les élargissant à une série littéraire plus vaste qui comprendrait des enregistrements de genres variés filés au cours de l’année scolaire.

Le bilan

Mme Goujon souligne que le numérique permet de faciliter le maintien du lien scolaire avec les élèves dès qu’ils sont dans l’incapacité de venir en classe et leur retour. Le numérique représente aussi un levier de raccrochage scolaire de par l’attractivité de ces outils aux yeux des élèves.

Mme Goujon et ses collègues réalisent en ce moment un projet interdisciplinaire mêlant les élèves de 1ère générale et les élèves de 1ère technologique. Ce projet vise à créer une entreprise et un produit phare dans un premier temps puis à préparer et tourner un spot publicitaire grâce à la WebTV dans un second temps, et enfin à présenter et défendre à l’oral ce projet devant un jury (à la manière de l’émission "Shark Tank" aux USA ou "Qui veut être mon associé ?" en France). L’un des groupes a, dans ce cadre, choisi de développer et de créer un jeu vidéo, avec les visuels et animations, inspiré d’un des Podcasts ("Charley") qui semble avoir beaucoup plu aux élèves de la structure.

Plus que la réalisation finale en elle-même, c’est la démarche proposée qui met en lumière comment la progression individualisée pensée par l’enseignante avec l’appui du numérique recherche l’engagement de chacun, valorise les efforts et améliore la confiance en soi. En atteste le témoignage des élèves :


Pour en savoir plus sur le MicroLycée :
Site du MicroLycée où sont présentées actions et actualités

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