Préparer une présentation orale en LV avec l’aide d’un chatbot : une expérimentation en Terminale


Cet article a été écrit dans le cadre du PCDN (Pôle de Compétences Disciplinaires Numériques) qui a réfléchi cette année aux usages de l’IA en cours d’anglais. Benoît Quéméneur, professeur d’anglais au Lycée Fresnel de Caen et membre du PCDN partage son expérimentation et son analyse.
Pour plus d’informations concernant le contexte des expérimentations menées, vous pouvez consulter l’article intitulé « Les expérimentations du pôle disciplinaire de compétences numériques (2024-2025) : comment favoriser le développement des compétences grâce à l’IA ? »

INTRODUCTION

Quel a été le point de départ de votre réflexion ?
L’essor des robots conversationnels, ou chatbots, ouvre de nouvelles perspectives pédagogiques, notamment dans l’enseignement des langues vivantes. Multimodalité des interactions, accessibilité, réactivité et potentiel d’autonomisation des élèves sont autant d’atouts qui m’ont amené à réfléchir à leur intégration dans mes pratiques. Au moment de concevoir mon expérimentation, la plateforme MIZOU a été retenue pour sa conformité RGPD, à condition de ne pas renseigner les noms des élèves, et ses possibilités de paramétrage adaptées au cadre scolaire.

LE PROJET

Pouvez-vous nous présenter votre projet et vos objectifs ?

J’ai mis en place des dispositifs expérimentaux invitant les élèves à interagir avec un chatbot. L’interactivité de l’outil conversationnel m’a intéressé à bien des égards, mais avec des objectifs différents. Dans le cadre d’une séquence intitulée "Upgrading Humans" avec un groupe de Terminale EURO, les élèves étaient amenés à réfléchir à la question : "To what extent can humans improve themselves endlessly ?" La tâche finale consistait à concevoir un dispositif permettant d’améliorer les capacités humaines, puis à le présenter à la classe sous forme de diaporama, suivi d’un temps d’échange oral. Les objectifs de la séquence étaient pluriels : développer la prise de parole en continu et en interaction, renforcer la structuration de l’argumentation, et stimuler l’autonomie dans la préparation d’une tâche complexe. L’objectif spécifique du dispositif expérimental lié à l’usage du chatbot était d’observer son impact sur la qualité de la préparation des élèves à l’échange oral.

Comment avez-vous préparé l’activité ?

Des rôles précis ont été paramétrés pour les élèves, jouant le rôle d’experts, et le chatbot, incarnant un journaliste, dans une situation de communication clairement établie d’entretien avec ce journaliste. Le niveau de langue attendu du chatbot a été fixé au niveau C1. Pour ce qui concerne le chatbot, il a été paramétré pour qu’il réponde aux objectifs de l’activité, tout en encourageant l’esprit critique des élèves, et leur engagement dans la conversation pour une préparation optimale à leur présentation orale. Une rapide description du projet était d’abord demandée, puis des questions étaient générées par l’IA sur des enjeux éthiques et techniques.

Quelle a été la démarche que vous avez mise en place ?

Une fois les projets des élèves presque finalisés, ceux-ci ont été répartis en deux groupes : trois îlots préparant leur présentation en autonomie, trois autres îlots interagissant avec un chatbot incarnant un journaliste scientifique. Les échanges se sont majoritairement faits par écrit, mais un groupe a expérimenté la reconnaissance vocale. Afin de respecter le RGPD, les échanges se sont faits sous pseudonyme. Les élèves ont utilisé leurs smartphones ou les ordinateurs du Pack Numérique Lycéen. Les présentations orales ont ensuite eu lieu, suivies d’interactions intenses entre les groupes.

Exemple de conversation à l’écrit entre un groupe d’élèves et le chatbot.

On remarque que les consignes sont dans l’ensemble respectées : le niveau de langue du chatbot est soutenu. Le contenu de la conversation correspond à ce qui a été demandé. Chaque intervention commence par un feedback positif sur les propos de l’élève. Néanmoins, les erreurs de langue des élèves ne sont ni reprises ni corrigées, alors que cela avait été demandé.

Exemple de multimodalité des échanges

Des élèves ont enregistré leur voix directement sur le site MIZOU pendant la conversation et le site internet a fait de la reconnaissance vocale. Par ailleurs, l’enseignant peut réécouter les élèves par la suite.

Qu’ont pensé vos élèves de cette expérimentation ?

L’aide apportée par le chatbot est majoritairement utile voire très utile, tant dans la qualité de l’interaction que dans l’aide à la préparation de la présentation orale ou la correction d’erreurs. “Le chatbot nous a posé des questions auxquelles nous n’avions pas pensées.” Il permet de “maîtriser son sujet et améliorer son projet.” Néanmoins, les limites de l’IA se sont faites sentir car “la discussion peut rapidement tourner en rond” ou alors le chatbot “posait des questions très répétitives”.
Une partie des élèves qui n’ont pas été préparés avec l’aide du chatbot regrette de n’avoir pas pu en bénéficier, mais une majorité d’entre eux estimait qu’ils s’étaient suffisamment préparés en autonomie sans IA.

Quelle conclusion tirez-vous de cette expérimentation ?

Si le bilan est contrasté sur le plan technique (réponses pas toujours satisfaisantes, manque de naturel de la conversation, respect du RGPD, erreurs de langues pas toujours corrigées ou soulignées), l’expérience a montré un véritable potentiel pédagogique. Le paramétrage du chatbot est exigeant : il suppose une anticipation fine des objectifs, des scénarios d’interaction et du type de feedback attendu. Cela demande du temps et une réflexion fine sur la rédaction des ordres donnés au chatbot (prompts). Cependant, les bénéfices observés en termes d’engagement élève, de qualité des interactions, et de motivation à préparer la prise de parole en classe sont encourageants. Le chatbot, en tant qu’agent conversationnel semi-autonome, peut devenir un véritable partenaire d’apprentissage, pour peu qu’il soit intégré de façon progressive, ciblée, et réfléchie.

Un exemple de feedback proposé par Mizou

On remarque ici le système d’évaluation de la conversation à l’américaine, avec une lettre qui est attribuée sans que l’enseignant n’ait pu définir de critères d’évaluation. Néanmoins, le commentaire, à la fois positif et encourageant, propose aussi un regard critique sur les erreurs de langue, mais sans entrer dans le détail. Cette évaluation n’a pas pour but de remplacer celle de l’enseignant, mais peut être un indicateur de réussite pour les élèves et pour l’enseignant. Il est important de noter aussi que ce retour n’est communiqué qu’à l’enseignant à l’issue de l’activité. Seul l’enseignant peut décider de communiquer ce feedback à ses élèves.
Si c’était à refaire, je testerais davantage les paramètres du chatbot pour m’assurer de la correction des erreurs de langue des élèves. Je demanderais au chatbot de proposer un bilan des erreurs à l’élève, en se ciblant sur 2 ou 3 erreurs répétitives, et en lui proposant des exercices de remédiation. Par ailleurs, je limiterais encore davantage les interventions du chatbot qui sont encore trop longues, avec trop de questions dans une même prise de parole.

CONCLUSION

Cette expérimentation semble indiquer que l’intégration de l’IA dans l’enseignement des langues vivantes n’est pas une fin en soi, mais un levier pédagogique. Loin de remplacer l’enseignant, le chatbot devient un levier d’apprentissage, au service de l’autonomie, de la réflexion et de la variété des interactions. Lorsqu’il est bien scénarisé et intégré à une séquence cohérente, il permet aux élèves non seulement de mieux préparer leur prise de parole, mais aussi de prendre du recul sur leurs idées, de structurer leurs arguments, et de s’entraîner à interagir avec un interlocuteur exigeant. Au-delà des compétences linguistiques, cette approche favorise ainsi l’autonomisation des élèves et le développement de leur esprit critique, deux compétences essentielles dans un monde où l’intelligence artificielle prend une place croissante. Son intégration doit rester progressive, ciblée et réfléchie, mais les bénéfices observés incitent à poursuivre cette exploration, en affinant les scénarii proposés et en s’appuyant sur les retours des élèves comme vecteurs d’amélioration continue.

Lien vers MIZOU : https://mizou.com/education puis cliquer sur “free for teachers” pour. s’identifier ou créer un compte gratuitement
Lien vers une vidéo “tutoriel” de MIZOU : https://podeduc.apps.education.fr/video/49960-tutoriel-mizou/

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